RÉGIS CAMPO : "LA MUSIQUE DOIT ÊTRE UN ÉCHANGE, UNE COMMUNICATION DIRECTE" - LE SOIR, 09/11/2018


L’œuvre: «Une sorte de Boléro martien»

Le compositeur français Régis Campo est l’auteur du Concerto pour orchestre et thérémine qui sera créé à Bozar ce vendredi en ouverture de l’édition 2018 du festival Ars Musica.

Comment avez-vous réagi lorsqu’on vous a proposé de composer un concerto pour thérémine et orchestre ?
Régis Campo : Au début ça m’a beaucoup fait rire. Je connaissais le thérémine car je suis un grand fan de films de science-fiction des années 60. Il y a aussi la musique de Bernard Herrmann, le compositeur d’Hitchcock, qui avait utilisé le thérémine. J’avais une image un peu vintage mais très sympathique de cet instrument. J’ai donc bien sûr accepté ce projet, d’autant plus que c’était avec une grande spécialiste du thérémine, Carolina Eyck, qui jouait aussi bien la musique classique que contemporaine ou le rock. Son style était très ouvert à plein de choses pour le compositeur. Il y avait aussi Brussels Philharmonic qui est fantastique et le Chef Brad Lubman. Ce mariage me plaisait beaucoup.

Connaissiez-vous bien le thérémine avant de composer ce concerto ?
R.C. : J’ai tout appris pendant un an. Je me suis immergé dans l’univers des thérémistes. J’ai beaucoup écouté, vu la technique. On a fait beaucoup d’allers-retours avec la soliste. C’est le premier instrument qui se joue sans qu’on le touche donc c’est visuellement très amusant. On a fait des petits jeux scéniques.

Que pouvez-vous dire sur cette pièce ?
R.C. : J’ai eu un déclic lorsque j’ai vu des vidéos des performances de Carolina. Je me suis dit que c’était évident que ce soit une Martienne. Et l’œuvre un grand vaisseau spatial extraterrestre qui vient sur terre avec à l’intérieur un grand dancefloor et de la danse martienne. Un peu fou, déluré. C’est une sorte de grande pulsation, comme l’œuvre obsessionnelle qu’est le Boléro de Ravel. C’est une sorte de Boléro martien ! Une mélodie très simple avec deux accords qui se balancent. L’orchestre va de plus en plus vers un tourbillon et une danse qui tourne, qui tourne, et qui se termine par le départ d’une fusée.

Le thérémine n’est pas le plus accessible des instruments. Est-ce que ça vous a fait peur ? 
R.C. : Ce n’est pas de la peur mais ça donne de l’adrénaline. C’est comme un voyage : on va dans un pays que l’on ne connaît pas. On ne connaît pas la culture, la nourriture, la langue, mais on se dit que c’est une aventure incroyable. Je savais aussi qu’il fallait aussi jouer sur le côté connoté de cet instrument mais trouver des idées nouvelles. Lui donner un côté un peu plus sexy qu’on retrouve dans la pop lorsqu’on utilise cet instrument (comme l’a notamment fait Radiohead, NDLR). Il n’y a pas beaucoup de références. Je ne connais qu’un concerto pour thérémine donc j’avais l’impression d’être dans un désert et de composer un peu à l’aveugle. C’est excitant aussi.

propos recueillis par Gaëlle Moury, Le Soir Plus

le 8 novembre 2018

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