PRIX SWISS LIFE À 4 MAINS : UNE MUSIQUE QUI DONNE À VOIR, UNE PHOTO QUI DONNE À ÉCOUTER - Propos recueillis par Stéphane Brasca (septembre 2020)
CARNET D'ITINÉRANCE - PRIX SWISS LIFE À 4 MAINS
UNE MUSIQUE QUI DONNE À VOIR, UNE PHOTO QUI DONNE À ÉCOUTER
Le Bleu du ciel regorge d’hirondelles et d’octaves en liberté. cet envol audacieux est l’œuvre des lauréats du Prix Swiss Life à 4 mains, le photographe edouard Taufenbach et le compositeur Régis campo. dans cette interview à deux voix, ils nous relatent leur processus de création mais aussi les réflexions et les improvisations qui ont nourri ce projet original associant musique et photo.
Comment construit-on une œuvre à 4 mains ?
Régis Campo : Je pense que le maître-mot, c'est la confiance. avec edouard, on s'est très bien entendu dès le début de cette aventure. Son style, très épuré s'associait idéalement avec ma musique qu'il appréciait et connaissait bien. nous avons travaillé sans pression, chacun faisait ce qu’il voulait. Il fallait être dans le même ton tout en se laissant influencer par la photo ou la musique de l'autre. nous étions en connexion permanente avec de multiples allers et retours entre nous. L'histoire s'est construite de façon progressive. notamment lorsqu’on a imaginé le livre avec Edouard et l’éditeur. On a tout de suite pensé à un leporello, un livre accordéon. C’est très musical et quand on ouvre le livre on a l’impression d’un envol d’oiseaux comme si des hirondelles s’échappaient des pages. un mouvement vers le haut, quelque chose de très positif, c’est ce qui m’a plu dans le projet photographique d’Edouard. On y respire. Ces hirondelles vivent librement sans s’entretuer. en « écoutant » son livre, ça me donnait des idées musicales, de notes, de timbres et petit à petit j’ai essayé de construire ma musique comme ça.
Edouard Taufenbach : Le fait que ces deux disciplines soient différentes facilite paradoxalement les choses. Il y a là quelque chose qui se complète. Moi, je travaille avec des images et j’essaie de leur donner du rythme tandis que régis fabrique du rythme à partir de mes images. le système est simple et se résume ainsi : Je vais prendre des choses dans son travail, il va en prendre dans le mien. C'est une sorte d'échange où personne ne piétine in fine les plates-bandes de l’autre.
Est-ce un exercice nouveau pour vous ?
Régis Campo : Non, car j'ai souvent travaillé pour le cinéma ou l'opéra. Je savais donc que la clef de la réussite consistait à accorder dès le début ses violons tout en conservant sa personnalité.
Edouard Taufenbach : Je l’ai fait une fois pour la Nuit Blanche en 2015, j’avais travaillé avec le musicien Paul Braillard sur une grande installation vidéo intitulée Sfumato, avec huit grands panneaux vidéos, qui avait duré vingt-quatre heures.
Régis, comment compose-t-on sa musique lorsqu’on sait qu'elle sera accompagnée de photos ?
Régis Campo : En effet, ce n’est pas une musique de concert qu’on écoute assis, c’est une musique que j’ai imaginée dans le cadre d’une exposition, une musique qui circule dans une salle, qui sort de haut-parleurs, qui accompagne des œuvres que l'on voit, en photo et en vidéo, et qui s’apprécie en se plongeant dans le livre tranquillement chez soi. J’ai composé des pièces qui puissent fusionner avec le travail d’edouard, un peu comme une musique de film ou d’opéra dont il concevrait la scénographie. Il y a d’ailleurs des chanteurs dont les voix, démultipliées, sont comme un chant d’oiseaux. En composant je pensais photo. Les photos sont à la fois statiques et extatiques, il y a quelque chose d’assez planant et, dans le même temps, il y a un mouvement, elles sont très cinétiques et ça donnait des impulsions à ma musique, me procurait des idées de rythme, un tempo rapide, des petits motifs mélodiques, à l’image des petits points que formaient les hirondelles.
Et vous Edouard, comment construit-on ses images lorsqu’on sait qu’elles seront accompagnées de musique ?
Edouard Taufenbach : J’ai construit mes images avec une préoccupation musicale, de rythme ou de non-rythme, afin que ce soit une lecture en mouvement, des images qui ne soient pas figées, qu’on puisse les faire danser dans sa tête. J’ai écouté la musique de Régis, et j’imagine que lui a conçu une musique qui ferait image mais je n’ai pas fabriqué mes images en me disant qu’elles iraient bien avec la musique. Je pense que la musique peut être très indépendante des images et inversement. en revanche les deux ont été construites en synergie. On peut compléter l’expérience en jonglant de l’un à l’autre.
Comment se nourrit-on du talent de l’autre ?
Régis Campo : La couleur qu’il choisissait avec les fonds, la densité du nombre de points, le nombre d’hirondelles sur les carrés, tout cela m'a naturellement influencé. C’est un travail très simple, presque minimaliste qui me plaît beaucoup. Il y a un côté bande-dessinée, une idée de ligne claire chère à Hergé qui, en deux ou trois cases, arrivait à rendre le mouvement. et dans ses photos, on retrouve à la fois, la simplicité – la ligne claire –, et le mouvement. en fait je voulais aussi surprendre edouard qui aimait beaucoup mes premiers quatuors à cordes. Je suis parti sur une idée de texture de cordes mais je voulais aller vers autre chose que je n’avais jamais fait, comme utiliser des instruments qu’on trouve dans les studios d’enregistrement de rock, des pianos électriques fender rhodes, des synthés, un toy-piano, des voix enregistrées... Il y avait donc cette volonté de surprendre avec quelque chose de neuf, de transversal entre musique contemporaine, pop, musique de film, musique à l’image... Dans un des mouvements il y a même une chanson que n’aurait pas reniée Björk avec une voix très ressemblante ! Les textes sont en anglais et même en islandais comme en hommage, des petits mots lancés qui reprennent la thématique d’edouard : oiseau, hirondelle, bleu, ciel...
Edouard Taufenbach : le travail de Régis est inspirant. J’ai beaucoup écouté sa musique pendant que je travaillais et je me suis inscrit dans son propre univers musical, que ce soit à travers des morceaux qu’il était en train de composer pour le projet ou de plus anciens.
Quels ont été les principaux écueils à éviter pour réussir cette entreprise ?
Régis Campo : Il ne fallait pas que ça fasse doublon. C’est comme les plus belles musiques de film, elles fusionnent avec les images, elles ne sont pas redondantes mais nourrissent l’image, disent ce que l’image ne dit pas. C’est ce que voulait Edouard, qu’on exprime quelque chose de caché sous les photos que la musique traduirait. Un peu comme dans les films de Terrence Malick avec un côté très contemplatif, sans narration et une musique placée, une musique qui n’est pas toxique mais spirituelle, profonde.
Edouard Taufenbach : Il aurait été problématique d’envisager une musique ou une image qui n’aurait pas été indépendante, qui n’aurait pas pu avoir de vie en dehors de cette trajectoire, avec des images qui auraient été faites pour aller avec la musique ou une musique faite pour aller avec les images. Ici les deux peuvent vivre ensemble et ont en même temps une totale autonomie. Elles ont cependant été fondues dans un même moule de préoccupations. Il fallait éviter que la musique illustre les images, et inversement.
Comment Le Bleu du ciel s'inscrit-il dans votre œuvre ?
Régis Campo : Il s’inscrit – tout en l’accentuant – dans ma nouvelle période commencée il y a quelques années avec le disque Street-Art où on trouve la pièce Une Solitude de l’espace, d’après un poème d’Emily Dickinson. dans le clip, on découvre un ciel étoilé, des photos électroniques qui donnent une impression de mouvement circulaire des étoiles qui est celui de la terre qui tourne... Et sans que je m’en doute ces images ont préfiguré le travail avec Edouard dans Le Bleu du ciel. Je cherche du côté d’une musique minimaliste, répétitive mais en beaucoup plus populaire que la musique contemporaine.
Edouard Taufenbach : On y retrouve quasiment toutes les préoccupations que j’ai eues jusqu’à présent mais sous une forme un peu différente et, en même temps, cette œuvre cristallise les préoccupations que j’ai en ce moment pour des projets futurs. Elle est comme le nœud d’un sablier, ça se rétrécit, se referme pour s’ouvrir sur autre chose. C’est extrêmement bénéfique, en un mot ce n’est que du bonheur.
Qu’est-ce que ce prix a changé pour vous ?
Régis Campo : Le fait de travailler en équipe m’a beaucoup plu. le travail en studio et bien sûr le travail avec une autre discipline. Je suis très fan de photo. à l’académie des beaux-arts où je siège, je croise beaucoup de membres de la section photographique, je suis passionné par leurs travaux, tous différents, notamment Salgado que j’aime beaucoup.
Edouard Taufenbach : Il m'a permis de créer un duo avec Bastien Pourtout, qui m’a accompagné et a travaillé avec moi tout au long du projet. Ce n'est pas négligeable comme changement. Et cela grâce au prix.
L’œuvre finie est-elle fidèle à celle sur le papier ?
Régis Campo : Fidèle en profondeur, je pense, mais dans les détails c’est toujours une surprise car on a suivi notre intuition, comme ces instruments de studio que j’ai rajoutés, le côté morriconien, ce n’était pas prévu mais ça a nourri la pensée. Tout comme ces rencontres imprévues avec la chanteuse géniale Mylène Ballion, le grand contre-ténor Cyril Costanzo, le violoniste Valentin Marinelli, la pianiste Yoko Yamada ou encore Arthur Dairaine pour son génie du mixage.
Régis Campo : Il a changé selon moi ! Il a lâché prise vraiment, il s’est laissé porter, emporter par le projet. moi aussi d’ailleurs, de manière très inconsciente, en laissant faire les choses naturellement.
Est-ce que le Régis que vous avez connu au début était le même à la fin ?
Edouard Taufenbach : Dans sa musique il y a une évolution à l’œuvre depuis plusieurs années et il continue à aller dans ce sens-là. il a une écriture singulière qui n’appartient qu’à lui, assez enchantée, autour de la fantaisie, avec quelque chose de très doux alors qu’avant elle était davantage composée, plus dure.
Régis, comment décririez-vous en quelques mots Edouard et son travail ?
Régis Campo : Lyrique. Coloré. Épuré.
Edouard, comment décririez-vous en quelques mots Régis et son travail ?
Edouard Taufenbach : C’est quelqu’un de très drôle au quotidien et sa musique le reflète parfaitement.
Quels conseils donneriez-vous aux futurs lauréats ?
Régis Campo : De très bien s’entendre... C’est nécessaire au bon fonctionnement du binôme. Il faut bien sûr apprécier le travail de l’autre et que chacun se fasse confiance. Cela n’empêche pas la critique mais la base, c’est la confiance. On sait qu’on va dans le même sens et c’est très beau car c’est une expérience qui ne se reproduira pas. On n’a pas souvent collé la musique d’aujourd’hui avec la photographie contemporaine. C’est pour ça que ce prix est très original et très couru, autant dans mon milieu que dans celui de la photo.
Edouard Taufenbach : Ce prix accompagne extrêmement bien ses lauréats. Donc, le seul conseil est de se sentir très libre car c’est vraiment un prix sur mesure ! L'équipe s'est constamment adaptée à ce qu'on souhaitait faire. Elle n’a jamais posé d’interdits, que ce soit dans la forme du livre ou le projet des expositions. On s’est parfois éloignés de ce qui était proposé au départ et si c’était des bonnes idées nathalie martin, la déléguée générale de la fondation Swiss life, les acceptait tout de suite. donc mon conseil est de ne surtout pas s’enfermer, se restreindre en pensant que ça pourrait ne pas rentrer dans les cases.
Régis Campo : Je pense que le maître-mot, c'est la confiance. avec edouard, on s'est très bien entendu dès le début de cette aventure. Son style, très épuré s'associait idéalement avec ma musique qu'il appréciait et connaissait bien. nous avons travaillé sans pression, chacun faisait ce qu’il voulait. Il fallait être dans le même ton tout en se laissant influencer par la photo ou la musique de l'autre. nous étions en connexion permanente avec de multiples allers et retours entre nous. L'histoire s'est construite de façon progressive. notamment lorsqu’on a imaginé le livre avec Edouard et l’éditeur. On a tout de suite pensé à un leporello, un livre accordéon. C’est très musical et quand on ouvre le livre on a l’impression d’un envol d’oiseaux comme si des hirondelles s’échappaient des pages. un mouvement vers le haut, quelque chose de très positif, c’est ce qui m’a plu dans le projet photographique d’Edouard. On y respire. Ces hirondelles vivent librement sans s’entretuer. en « écoutant » son livre, ça me donnait des idées musicales, de notes, de timbres et petit à petit j’ai essayé de construire ma musique comme ça.
Edouard Taufenbach : Le fait que ces deux disciplines soient différentes facilite paradoxalement les choses. Il y a là quelque chose qui se complète. Moi, je travaille avec des images et j’essaie de leur donner du rythme tandis que régis fabrique du rythme à partir de mes images. le système est simple et se résume ainsi : Je vais prendre des choses dans son travail, il va en prendre dans le mien. C'est une sorte d'échange où personne ne piétine in fine les plates-bandes de l’autre.
Est-ce un exercice nouveau pour vous ?
Régis Campo : Non, car j'ai souvent travaillé pour le cinéma ou l'opéra. Je savais donc que la clef de la réussite consistait à accorder dès le début ses violons tout en conservant sa personnalité.
Edouard Taufenbach : Je l’ai fait une fois pour la Nuit Blanche en 2015, j’avais travaillé avec le musicien Paul Braillard sur une grande installation vidéo intitulée Sfumato, avec huit grands panneaux vidéos, qui avait duré vingt-quatre heures.
Régis, comment compose-t-on sa musique lorsqu’on sait qu'elle sera accompagnée de photos ?
Régis Campo : En effet, ce n’est pas une musique de concert qu’on écoute assis, c’est une musique que j’ai imaginée dans le cadre d’une exposition, une musique qui circule dans une salle, qui sort de haut-parleurs, qui accompagne des œuvres que l'on voit, en photo et en vidéo, et qui s’apprécie en se plongeant dans le livre tranquillement chez soi. J’ai composé des pièces qui puissent fusionner avec le travail d’edouard, un peu comme une musique de film ou d’opéra dont il concevrait la scénographie. Il y a d’ailleurs des chanteurs dont les voix, démultipliées, sont comme un chant d’oiseaux. En composant je pensais photo. Les photos sont à la fois statiques et extatiques, il y a quelque chose d’assez planant et, dans le même temps, il y a un mouvement, elles sont très cinétiques et ça donnait des impulsions à ma musique, me procurait des idées de rythme, un tempo rapide, des petits motifs mélodiques, à l’image des petits points que formaient les hirondelles.
Et vous Edouard, comment construit-on ses images lorsqu’on sait qu’elles seront accompagnées de musique ?
Edouard Taufenbach : J’ai construit mes images avec une préoccupation musicale, de rythme ou de non-rythme, afin que ce soit une lecture en mouvement, des images qui ne soient pas figées, qu’on puisse les faire danser dans sa tête. J’ai écouté la musique de Régis, et j’imagine que lui a conçu une musique qui ferait image mais je n’ai pas fabriqué mes images en me disant qu’elles iraient bien avec la musique. Je pense que la musique peut être très indépendante des images et inversement. en revanche les deux ont été construites en synergie. On peut compléter l’expérience en jonglant de l’un à l’autre.
Comment se nourrit-on du talent de l’autre ?
Régis Campo : La couleur qu’il choisissait avec les fonds, la densité du nombre de points, le nombre d’hirondelles sur les carrés, tout cela m'a naturellement influencé. C’est un travail très simple, presque minimaliste qui me plaît beaucoup. Il y a un côté bande-dessinée, une idée de ligne claire chère à Hergé qui, en deux ou trois cases, arrivait à rendre le mouvement. et dans ses photos, on retrouve à la fois, la simplicité – la ligne claire –, et le mouvement. en fait je voulais aussi surprendre edouard qui aimait beaucoup mes premiers quatuors à cordes. Je suis parti sur une idée de texture de cordes mais je voulais aller vers autre chose que je n’avais jamais fait, comme utiliser des instruments qu’on trouve dans les studios d’enregistrement de rock, des pianos électriques fender rhodes, des synthés, un toy-piano, des voix enregistrées... Il y avait donc cette volonté de surprendre avec quelque chose de neuf, de transversal entre musique contemporaine, pop, musique de film, musique à l’image... Dans un des mouvements il y a même une chanson que n’aurait pas reniée Björk avec une voix très ressemblante ! Les textes sont en anglais et même en islandais comme en hommage, des petits mots lancés qui reprennent la thématique d’edouard : oiseau, hirondelle, bleu, ciel...
Edouard Taufenbach : le travail de Régis est inspirant. J’ai beaucoup écouté sa musique pendant que je travaillais et je me suis inscrit dans son propre univers musical, que ce soit à travers des morceaux qu’il était en train de composer pour le projet ou de plus anciens.
Quels ont été les principaux écueils à éviter pour réussir cette entreprise ?
Régis Campo : Il ne fallait pas que ça fasse doublon. C’est comme les plus belles musiques de film, elles fusionnent avec les images, elles ne sont pas redondantes mais nourrissent l’image, disent ce que l’image ne dit pas. C’est ce que voulait Edouard, qu’on exprime quelque chose de caché sous les photos que la musique traduirait. Un peu comme dans les films de Terrence Malick avec un côté très contemplatif, sans narration et une musique placée, une musique qui n’est pas toxique mais spirituelle, profonde.
Edouard Taufenbach : Il aurait été problématique d’envisager une musique ou une image qui n’aurait pas été indépendante, qui n’aurait pas pu avoir de vie en dehors de cette trajectoire, avec des images qui auraient été faites pour aller avec la musique ou une musique faite pour aller avec les images. Ici les deux peuvent vivre ensemble et ont en même temps une totale autonomie. Elles ont cependant été fondues dans un même moule de préoccupations. Il fallait éviter que la musique illustre les images, et inversement.
Comment Le Bleu du ciel s'inscrit-il dans votre œuvre ?
Régis Campo : Il s’inscrit – tout en l’accentuant – dans ma nouvelle période commencée il y a quelques années avec le disque Street-Art où on trouve la pièce Une Solitude de l’espace, d’après un poème d’Emily Dickinson. dans le clip, on découvre un ciel étoilé, des photos électroniques qui donnent une impression de mouvement circulaire des étoiles qui est celui de la terre qui tourne... Et sans que je m’en doute ces images ont préfiguré le travail avec Edouard dans Le Bleu du ciel. Je cherche du côté d’une musique minimaliste, répétitive mais en beaucoup plus populaire que la musique contemporaine.
Edouard Taufenbach : On y retrouve quasiment toutes les préoccupations que j’ai eues jusqu’à présent mais sous une forme un peu différente et, en même temps, cette œuvre cristallise les préoccupations que j’ai en ce moment pour des projets futurs. Elle est comme le nœud d’un sablier, ça se rétrécit, se referme pour s’ouvrir sur autre chose. C’est extrêmement bénéfique, en un mot ce n’est que du bonheur.
Qu’est-ce que ce prix a changé pour vous ?
Régis Campo : Le fait de travailler en équipe m’a beaucoup plu. le travail en studio et bien sûr le travail avec une autre discipline. Je suis très fan de photo. à l’académie des beaux-arts où je siège, je croise beaucoup de membres de la section photographique, je suis passionné par leurs travaux, tous différents, notamment Salgado que j’aime beaucoup.
Edouard Taufenbach : Il m'a permis de créer un duo avec Bastien Pourtout, qui m’a accompagné et a travaillé avec moi tout au long du projet. Ce n'est pas négligeable comme changement. Et cela grâce au prix.
L’œuvre finie est-elle fidèle à celle sur le papier ?
Régis Campo : Fidèle en profondeur, je pense, mais dans les détails c’est toujours une surprise car on a suivi notre intuition, comme ces instruments de studio que j’ai rajoutés, le côté morriconien, ce n’était pas prévu mais ça a nourri la pensée. Tout comme ces rencontres imprévues avec la chanteuse géniale Mylène Ballion, le grand contre-ténor Cyril Costanzo, le violoniste Valentin Marinelli, la pianiste Yoko Yamada ou encore Arthur Dairaine pour son génie du mixage.
Edouard Taufenbach : Elle n’en est pas très éloignée. Beaucoup de choses se sont révélées très surprenantes : je ne savais pas dans quelle mesure les panneaux d’hirondelles n’étaient pas tous un peu équivalents. En fait, je me suis rendu compte qu'il y avait des écarts incroyables en fonction de la couleur des ciels, des météos, des vols, et aussi des paramètres de l’appareil photo, des flous. C’est la variété d’images qui est impressionnante et très inattendue.
Est-ce que l’Edouard que vous avez connu au début est le même à la fin ?
Est-ce que l’Edouard que vous avez connu au début est le même à la fin ?
Régis Campo : Il a changé selon moi ! Il a lâché prise vraiment, il s’est laissé porter, emporter par le projet. moi aussi d’ailleurs, de manière très inconsciente, en laissant faire les choses naturellement.
Est-ce que le Régis que vous avez connu au début était le même à la fin ?
Edouard Taufenbach : Dans sa musique il y a une évolution à l’œuvre depuis plusieurs années et il continue à aller dans ce sens-là. il a une écriture singulière qui n’appartient qu’à lui, assez enchantée, autour de la fantaisie, avec quelque chose de très doux alors qu’avant elle était davantage composée, plus dure.
Régis, comment décririez-vous en quelques mots Edouard et son travail ?
Régis Campo : Lyrique. Coloré. Épuré.
Edouard, comment décririez-vous en quelques mots Régis et son travail ?
Edouard Taufenbach : C’est quelqu’un de très drôle au quotidien et sa musique le reflète parfaitement.
Quels conseils donneriez-vous aux futurs lauréats ?
Régis Campo : De très bien s’entendre... C’est nécessaire au bon fonctionnement du binôme. Il faut bien sûr apprécier le travail de l’autre et que chacun se fasse confiance. Cela n’empêche pas la critique mais la base, c’est la confiance. On sait qu’on va dans le même sens et c’est très beau car c’est une expérience qui ne se reproduira pas. On n’a pas souvent collé la musique d’aujourd’hui avec la photographie contemporaine. C’est pour ça que ce prix est très original et très couru, autant dans mon milieu que dans celui de la photo.
Edouard Taufenbach : Ce prix accompagne extrêmement bien ses lauréats. Donc, le seul conseil est de se sentir très libre car c’est vraiment un prix sur mesure ! L'équipe s'est constamment adaptée à ce qu'on souhaitait faire. Elle n’a jamais posé d’interdits, que ce soit dans la forme du livre ou le projet des expositions. On s’est parfois éloignés de ce qui était proposé au départ et si c’était des bonnes idées nathalie martin, la déléguée générale de la fondation Swiss life, les acceptait tout de suite. donc mon conseil est de ne surtout pas s’enfermer, se restreindre en pensant que ça pourrait ne pas rentrer dans les cases.
Propos recueillis par Stéphane Brasca (septembre 2020)
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