đ° REVIEW: "RĂGIS CAMPO, BAD BOY DU CONTEMPORAIN" PAR ERIC DAHAN - LIBĂRATION - 26/09/2014
"RĂGIS CAMPO, BAD BOY DU CONTEMPORAIN" PAR ERIC DAHAN
LIBĂRATION N°10376 DU VENDREDI 26 SEPTEMBRE 2014
Le compositeur dévoilera ce samedi à Strasbourg son adaptation lyrique attendue du «Quai Ouest» de KoltÚs.
RĂ©gis Campo nâa pas volĂ© sa rĂ©putation de franc-tireur du contemporain. A quelques jours de la crĂ©ation mondiale de son adaptation lyrique du Quai Ouest de Bernard-Marie KoltĂšs, il se prend moins au sĂ©rieux que jamais ; Ă se demander sâil est vĂ©ritablement français : «On nâarrĂȘte pas de se prendre la tĂȘte avec le metteur en scĂšne, Kristian FrĂ©dric, mais jâaime bien ça, câest trĂšs KoltĂšs, donnant-donnant. Tiens, regardeâŠÂ» dit-il, montrant une vidĂ©o sur son tĂ©lĂ©phone portable. On y voit ledit FrĂ©dric arpenter lâopĂ©ra de Strasbourg en aboyant frĂ©nĂ©tiquement, Ă lâattention des comĂ©diens et chanteurs.Si lâon se mĂ©fie de lâopĂ©ra, depuis quâil est tombĂ© entre les mains de petits gestionnaires cyniques et de voyous sensationnalistes, on veut bien faire une exception pour Campo dont le premier essai, Quatre Jumelles dâaprĂšs Copi, donnait aux personnages lâoccasion de chanter «salope, salope, passe-moi la seringue». Dâautant que Campo a composĂ© quelques piĂšces instrumentales parmi les plus belles de ces derniĂšres annĂ©es, Ă savoir Pop Art qui emprunte Ă Stravinski et Steve Reich, et Lumen oĂč lâon reconnaĂźt lâinfluence de SibĂ©lius, Britten et Morton Feldman, mĂȘme si Campo affirme facĂ©tieusement que ce sont ces derniers qui lâont pillĂ© : «Je leur envoie mĂȘme des SMS pour leur demander dâarrĂȘter de me copier.»Clown. Bon sang marseillais ne saurait mentir, et lâon ne sera pas surpris dâapprendre que câest dans la citĂ© phocĂ©enne que Campo a vu le jour, le 6 juin 1968. Son pĂšre Ă©tait ouvrier, puis gĂ©rant, avant de devenir informaticien. Sa mĂšre Ă©tait passionnĂ©e dâopĂ©ra et lâemmena voir TannhaĂŒser de Wagner quand il avait 3 ans. Câest bien la seule rĂ©fĂ©rence sĂ©rieuse quâil cite, prĂ©fĂ©rant rendre hommage Ă Edda DellâOrso, chanteuse de la BO dâIl Ă©tait une fois dans lâOuest de Sergio Leone, ou Stanley Kubrick dont la BO de 2001 lui a permis de dĂ©couvrir AtmosphĂšres etRequiem de Ligeti. Campo apprend le piano, dĂšs 5 ans, mais a une fĂącheuse tendance Ă tout recomposer Ă sa sauce. A lâĂ©cole, il improvise des sketchs de clown pendant la rĂ©crĂ©, se passionne pour le thĂ©Ăątre et, Ă 12 ans, Ă©crit ses premiĂšres partitions, dont une Apocalypse pour orchestre et chĆur.AprĂšs avoir Ă©tĂ© lâĂ©lĂšve du compositeur Georges BĆuf et sâĂȘtre essayĂ© Ă la philo Ă la fac dâAix-en-Provence, Campo monte Ă la capitale pour se perfectionner «dans la classe de Banquart de tons», fine allusion Ă Alain Bancquart, Ă son obsession pour les micro-intervalles «et les sĂ©ries de 13 sons». Campo prend la fuite et trouve refuge dans la classe de GĂ©rard Grisey, lâun des fondateurs du mouvement spectral. «Il dĂ©clarait : "AprĂšs Ravel on ne peut plus utiliser de demi-tons ni composer des mĂ©lodies" et quand il me voyait plongĂ© dans Prokofiev, Chostakovitch ou The Rakeâs Progress de Stravinsky, il me disait : "Vous allez perdre votre temps avec tout ça, nâest-ce pas ?"» raconte le bad boy, imitant cruellement la voix du compositeur disparu en 1998. Il remporte ensuite le concours Dutilleux, occasion de rencontrer ce «grand indĂ©pendant, longtemps dĂ©considĂ©rĂ© au profit de Messiaen et Boulez» quâil frĂ©quentera jusquâau dernier jour.ChĆur invisible. RĂ©gis Campo ne trouve pas tout de suite son langage : «Moi aussi jâadorais Bernard Hermann et John Adams, mais je nâavais pas envie dâĂȘtre leur Dick Rivers, alors jâai dĂ©cidĂ© dâĂȘtre le Schpountz du contemporain». Câest ainsi que Pop Art, composĂ© durant son sĂ©jour Ă la Villa MĂ©dicis, fut pris pour une provocation par lâestablishment parisien, mais sĂ©duisit le chef Kent Nagano qui invita Campo Ă Berkeley en Californie. Spectral, tonal, atonal, modal, difficile de ranger Campo dans une case. «Jâai un permis de composer Ă points. Avec Quai Ouest, je vais sĂ»rement en perdre quelques-uns, car il faut un certain mauvais goĂ»t pour faire un vrai opĂ©ra, ce qui explique que Boulez, qui a peur de se salir, nâen ait jamais composĂ©. LâopĂ©ra, câest bien payĂ©, ça permet de devenir cĂ©lĂšbre mais ça peut aussi tuer.»La musique de Quai Ouest fera sans doute penser Ă Claude Vivier, Britten, LĂ©vinas et Ligeti avec son chĆur invisible, son instrumentarium traditionnel complĂ©tĂ© de synthĂ©tiseurs, basse et guitare Ă©lectrique, et sa prosodie vernaculaire et urbaine portĂ©e par Mireille Delunsch, Paul Gay, Julien Behr et Fabrice Di Falco. «Jâai voulu redonner Ă KoltĂšs son cĂŽtĂ© comique, gommĂ© par ChĂ©reau. Câest vraiment une piĂšce des annĂ©es 80, ce hangar new-yorkais fait penser aux films de Beinex, Carax et Besson. Câest une histoire de trafics, de trocs, violente et lyrique, et je nâai pas eu peur par moments de composer des airs comme dans les comĂ©dies musicales de Broadway.»
LIBĂRATION N°10376 DU VENDREDI 26 SEPTEMBRE 2014
« Campo a composé quelques piÚces instrumentales parmi les plus belles de ces derniÚres années, à savoir Pop-Art »
article « RĂ©gis Campo, bad boy du contemporain » par Ăric Dahan
Libération 25/08/2014
#regiscampo #liberation #ericdahan #sacem #badboy #rayban #frenchcomposer #contemporaryart #contemporain #composer #quaiouest
article « RĂ©gis Campo, bad boy du contemporain » par Ăric Dahan
Libération 25/08/2014
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RĂ©gis Campo nâa pas volĂ© sa rĂ©putation de franc-tireur du contemporain. A quelques jours de la crĂ©ation mondiale de son adaptation lyrique du Quai Ouest de Bernard-Marie KoltĂšs, il se prend moins au sĂ©rieux que jamais ; Ă se demander sâil est vĂ©ritablement français : «On nâarrĂȘte pas de se prendre la tĂȘte avec le metteur en scĂšne, Kristian FrĂ©dric, mais jâaime bien ça, câest trĂšs KoltĂšs, donnant-donnant. Tiens, regardeâŠÂ» dit-il, montrant une vidĂ©o sur son tĂ©lĂ©phone portable. On y voit ledit FrĂ©dric arpenter lâopĂ©ra de Strasbourg en aboyant frĂ©nĂ©tiquement, Ă lâattention des comĂ©diens et chanteurs.Si lâon se mĂ©fie de lâopĂ©ra, depuis quâil est tombĂ© entre les mains de petits gestionnaires cyniques et de voyous sensationnalistes, on veut bien faire une exception pour Campo dont le premier essai, Quatre Jumelles dâaprĂšs Copi, donnait aux personnages lâoccasion de chanter «salope, salope, passe-moi la seringue». Dâautant que Campo a composĂ© quelques piĂšces instrumentales parmi les plus belles de ces derniĂšres annĂ©es, Ă savoir Pop Art qui emprunte Ă Stravinski et Steve Reich, et Lumen oĂč lâon reconnaĂźt lâinfluence de SibĂ©lius, Britten et Morton Feldman, mĂȘme si Campo affirme facĂ©tieusement que ce sont ces derniers qui lâont pillĂ© : «Je leur envoie mĂȘme des SMS pour leur demander dâarrĂȘter de me copier.»Clown. Bon sang marseillais ne saurait mentir, et lâon ne sera pas surpris dâapprendre que câest dans la citĂ© phocĂ©enne que Campo a vu le jour, le 6 juin 1968. Son pĂšre Ă©tait ouvrier, puis gĂ©rant, avant de devenir informaticien. Sa mĂšre Ă©tait passionnĂ©e dâopĂ©ra et lâemmena voir TannhaĂŒser de Wagner quand il avait 3 ans. Câest bien la seule rĂ©fĂ©rence sĂ©rieuse quâil cite, prĂ©fĂ©rant rendre hommage Ă Edda DellâOrso, chanteuse de la BO dâIl Ă©tait une fois dans lâOuest de Sergio Leone, ou Stanley Kubrick dont la BO de 2001 lui a permis de dĂ©couvrir AtmosphĂšres etRequiem de Ligeti. Campo apprend le piano, dĂšs 5 ans, mais a une fĂącheuse tendance Ă tout recomposer Ă sa sauce. A lâĂ©cole, il improvise des sketchs de clown pendant la rĂ©crĂ©, se passionne pour le thĂ©Ăątre et, Ă 12 ans, Ă©crit ses premiĂšres partitions, dont une Apocalypse pour orchestre et chĆur.AprĂšs avoir Ă©tĂ© lâĂ©lĂšve du compositeur Georges BĆuf et sâĂȘtre essayĂ© Ă la philo Ă la fac dâAix-en-Provence, Campo monte Ă la capitale pour se perfectionner «dans la classe de Banquart de tons», fine allusion Ă Alain Bancquart, Ă son obsession pour les micro-intervalles «et les sĂ©ries de 13 sons». Campo prend la fuite et trouve refuge dans la classe de GĂ©rard Grisey, lâun des fondateurs du mouvement spectral. «Il dĂ©clarait : "AprĂšs Ravel on ne peut plus utiliser de demi-tons ni composer des mĂ©lodies" et quand il me voyait plongĂ© dans Prokofiev, Chostakovitch ou The Rakeâs Progress de Stravinsky, il me disait : "Vous allez perdre votre temps avec tout ça, nâest-ce pas ?"» raconte le bad boy, imitant cruellement la voix du compositeur disparu en 1998. Il remporte ensuite le concours Dutilleux, occasion de rencontrer ce «grand indĂ©pendant, longtemps dĂ©considĂ©rĂ© au profit de Messiaen et Boulez» quâil frĂ©quentera jusquâau dernier jour.ChĆur invisible. RĂ©gis Campo ne trouve pas tout de suite son langage : «Moi aussi jâadorais Bernard Hermann et John Adams, mais je nâavais pas envie dâĂȘtre leur Dick Rivers, alors jâai dĂ©cidĂ© dâĂȘtre le Schpountz du contemporain». Câest ainsi que Pop Art, composĂ© durant son sĂ©jour Ă la Villa MĂ©dicis, fut pris pour une provocation par lâestablishment parisien, mais sĂ©duisit le chef Kent Nagano qui invita Campo Ă Berkeley en Californie. Spectral, tonal, atonal, modal, difficile de ranger Campo dans une case. «Jâai un permis de composer Ă points. Avec Quai Ouest, je vais sĂ»rement en perdre quelques-uns, car il faut un certain mauvais goĂ»t pour faire un vrai opĂ©ra, ce qui explique que Boulez, qui a peur de se salir, nâen ait jamais composĂ©. LâopĂ©ra, câest bien payĂ©, ça permet de devenir cĂ©lĂšbre mais ça peut aussi tuer.»La musique de Quai Ouest fera sans doute penser Ă Claude Vivier, Britten, LĂ©vinas et Ligeti avec son chĆur invisible, son instrumentarium traditionnel complĂ©tĂ© de synthĂ©tiseurs, basse et guitare Ă©lectrique, et sa prosodie vernaculaire et urbaine portĂ©e par Mireille Delunsch, Paul Gay, Julien Behr et Fabrice Di Falco. «Jâai voulu redonner Ă KoltĂšs son cĂŽtĂ© comique, gommĂ© par ChĂ©reau. Câest vraiment une piĂšce des annĂ©es 80, ce hangar new-yorkais fait penser aux films de Beinex, Carax et Besson. Câest une histoire de trafics, de trocs, violente et lyrique, et je nâai pas eu peur par moments de composer des airs comme dans les comĂ©dies musicales de Broadway.»
Eric Dahan
« Campo a composé quelques piÚces instrumentales parmi les plus belles de ces derniÚres années, à savoir Pop-Art »
article « RĂ©gis Campo, bad boy du contemporain » par Ăric Dahan
Libération 25/08/2014
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article « RĂ©gis Campo, bad boy du contemporain » par Ăric Dahan
Libération 25/08/2014
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