"Wilde zeiten in Manhattan…" par Rolf Fath - operalounge.de



Création mondiale de l'opéra de Régis Campo "Quai Ouest" à Strasbourg


Un moment sauvage à Manhattan...

Autrefois dans le vieux port à l'ouest de Manhattan, Bernard-Marie Koltès attiré par la charme et l'agitation du lieu se cachait parmi les entrepôts de quais désaffectés et abandonnés avec les SDF, des criminels, des prostituées et des homosexuels, alors que la police n'a jamais pu les chasser, et où apparemment, "de temps en temps un cadavre est jeté dans l'eau". 
Dans sa pièce Quai Ouest (Quai West) créée en 1985, "l'ordre établi n'existe pas". Venant de Metz, Koltès est contaminé par le théâtre à Strasbourg et s'installe en 1977 dès le succès de "La Nuit avant les forêts" mis en scène par Peter Stein et Chéreau, l'artiste le plus souvent cité en France. En 1989 il meurt du sida. 
A l'Opéra national du Rhin, la saison commence traditionnellement avec une création mondiale: celle de Quai Ouest le 27 septembre 2014. Et il semble que les arias de conversation de Koltès ont toujours appartenu à la scène lyrique. 
Car si ses pièces se montrent comme un mélange de sexe et de cruauté comme le successeur de Genet, avec des relations difficiles, des situations cauchemardesques, sa langue rend hommage aux héros de Racine et de Corneille vers le caniveau.

A 46 ans et né à Marseille, Régis Campo s'est mis à l'oeuvre avec toute la précaution imaginable : dans les récitatifs, les duos et les scènes d'ensemble chaque mot est compris, la musique coule de manière élégante et rythmiquement souple en suivant l'exigence d'un Debussy dans ce que la musique française signifie de "clarté, de simplicité et de déclamation facile". 
L'homme d'affaire Maurice Koch, qui est peut être amené par sa secrétaire Monique, cherche sa mort. Il est confronté à des gangsters et des marginaux, comme Charles, sa sœur Claire et ses parents Cécile et Rodolfo, lesquels pourraient également être des résidents d'Allemonde de Pelléas et Mélisande dont le trio de trois femmes le rappelle par sa texture flottante

Mais la musique montre au bout des 90 minutes et des 30 scènes, des longueurs ... Mireille Delunsch, dans le rôle de Monique rappelle un peu Blanche DuBois dans un autre registre, Marie-Ange Todorovitch prouve ses talents multiples dans les chants indiens de Cécile, Hendrickje Van Kerckhove dans le rôle de Claire violée chante courageusement ses notes de colorature. Parmi les hommes relativement anonymes, Paul Gay (Koch), Julien Behr (un gangster Charles), Christophe Fel (Rodolfo) - se distingue le contre-ténor Fabrice di Falco, qui est le brutal africain Fak. L'Orchestre de Mulhouse et Marcus Bosch de la co-production avec le Staatstheater Nürnberg interprètent cette nouvelle oeuvre avec une sensualité de son évident.

Le quai désaffecté - ce lieu artificiel imaginé par Koltès tel un village à la frontière entre la vie et la mort - est par le metteur en scène Kristian Frédric (avec Florence Doublet qui ont écrit le livret) et le scénographe Bruno Lavenère 
un labyrinthe d'échelle de secours, de halls d'usine, de sombres coins et de cachettes, et qui révèle à plusieurs reprises des endroits séduisants dans l'obscurité de la scène. 
Beau et voluptueux comme la musique. Lapidaire et sans faux sentiments.

Rolf Fath

http://operalounge.de/features/musikszene-festivals/wilde-zeiten-in-manhattan

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