"Foie Gras für die Ohren" par Peter Krause - concerti.de



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Du foie Gras pour les oreilles

Régis Campo a écrit une oeuvre courageuse pour l'opéra d'après la pièce des années 80 de Bernard-Marie Koltès.

Voilà ce que l'on doit oser composer aujourd'hui : une complainte chromatique dans le meilleur style baroque, une corne de brume sonne comme dans Il Tabarro de Puccini, un son clair de ténor comme dans Death in Venice de Britten, un trio de femmes en harmonie comme dans le finale du Der Rosenkavalier de Richard Strauss, une force illustrative qui semble volée tout droit la boite magique orchestrale de Richard Wagner, une représentation de la mère, la chanteuse étant porteuse de l'organe féminin par excellence comme le rôle d'Azucena dans Il Trovatore de Verdi.
(...) Né à Marseille en 1968 Régis Campo utilise les ressources prouvées depuis 400 ans d'histoire de l'opéra. Le spectre de l'éclectisme, qui fait fuir comme la peste les compositeurs, se retrouve chez ce Français à travers la pièce de théâtre Quai ouest du dramaturge Bernard-Marie Koltès mort prématurément du Sida.
(...) Campo ne craint pas les clichés sonores, le kitsch que l'on soupçonne dans la comédie musicale et pourtant, il est tout à fait lui-même à chaque mesure. Il écrit une musique du début à la fin d'un effet puissant mais laisse aussi la place à de nombreux moments de contemplation persistante durant les 90 minutes.
(...) Sa musique incarne la scène pour les chanteurs pour lesquels il a conçu non pas des sauts d'intervalles en zigzag standardisés mais ce dont les chanteurs ont besoin : de lignes vocales liées, de fioritures, plein d'émotions et de solos à effet.
(...) Non seulement les chanteurs peuvent jubiler mais le public acclame aussi avec enthousiasme ce que l'on aime absolument : une esthétique du beau, ce que l'on entend par "de beaux moments", un choix de l'intelligible peint par un fin pinceau.
Seulement les gardiens allemands de la musique moderne se bouchent le nez à l'odeur de lavande, à ce que serait du foie gras pour les oreilles.
(...) Régis Campo a eu de la difficulté  à développer sa force de composition. Il compose alors le début en suivant sagement le texte jusqu'à atteindre une originalité absolue dans le dernier tiers de l'opéra. 
Alors le mur du réalisme laisse transparaître plus clairement les rêves, la nostalgie, les aspirations, l'amour, la vie, la réconciliation. Là, le temps s'étire, on sort de la simple narration, la misère est transcendée exprimant un moment décisif de l'opéra. 
Nous aurions aimé voir la pièce de théâtre avant puis éprouvé combien la musique peux ensuite lui donner une nouvelle qualité substantielle."

Peter Krause

http://www.concerti.de/de/2586/opern-kritik-opra-national-du-rhin-strasbourg-quai-quest.html

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