Quai Ouest de Régis Campo en création à l'Opéra national du Rhin - Fidèle, efficace et un peu clinquant - par Jean-Guillaume Lebrun - concertclassic.com



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Quai Ouest de Régis Campo en création à l'Opéra national du Rhin - Fidèle, efficace et un peu clinquant.

Il y a quelque chose dans Quai Ouest, la pièce de Bernard-Marie Koltès dont le compositeur Régis Campo (né en 1968) a fait le sujet de son second opéra, qui évoque l'esprit du western. Le titre de l'œuvre lui-même, qui désigne le lieu de l'intrigue, renvoie à ces périphéries, bouts du monde déshérités, frontières abandonnées. L'arrivée dans cet espace fermé sur lui-même, en marge du monde, d'un personnage étranger – qui en l'occurrence vient y chercher la mort – précipite le destin de chacun. C'est peu ou prou un schéma que l'on retrouve dans Les Sept Mercenaires, L'Homme des vallées perdues ou Un homme est passé. Comme dans les westerns également, le lieu peut être considéré comme un personnage à part entière, sinon comme un démiurge.   C'est là que réside la première réussite de Régis Campo, dans ce nouvel opéra que l'Opéra national du Rhin affiche en ouverture de saison. Il y est bien aidé par l'interprétation très claire de l'Orchestre symphonique de Mulhouse, dirigé par Marcus Bosch, chef de l'Opéra de Nuremberg où l'opéra sera redonné (en allemand) en janvier prochain. Dès le premier accord, il parvient en effet à donner à ce lieu singulier une personnalité propre, comme au début de L'Or du Rhin Wagner le fait pour le fleuve. L'utilisation de l'orchestre n'est pas d'une originalité extrême – si ce n'est pour l'addition d'une guitare et d'une basse électriques – mais Régis Campo en tire des couleurs et des motifs mélodiques qui correspondent toujours à l'évolution de l'intrigue, quitte à se répéter parfois ou à céder à quelques facilités. Il regarde clairement vers l'Ouest et a retenu les recettes éprouvées par John Adams dans ses ouvrages lyriques : ostinatos, motifs en spirale ou en boucle qui permettent d'accueillir à peu près n'importe quelle ligne vocale.

Or c'est précisément dans l'écriture vocale que Régis Campo se montre le plus surprenant, au moins dans la première moitié de l'œuvre. Chaque personnage est ainsi caractérisé par un style qui lui est propre. Ainsi, Maurice Koch, homme d'affaires dont on ne sait pas grand chose sinon qu'il aborde le quai ouest avec la ferme intention d'y mourir, est-il celui qui s'inscrit le plus clairement dans la tradition du « grand opéra » du XIXe siècle – ce que renforce encore le chant un peu guindé du baryton Paul Gay. À l'inverse, celui de Charles, l'enfant du lieu, se rapproche davantage d'un rock mélodique. La force de Régis Campo est de faire coexister ces univers mélodiques sans que le résultat en paraisse artificiel. Mieux encore, il parvient à faire évoluer le type vocal de ses personnages pour suivre le récit : Charles, à mesure que se précise sa volonté de quitter les lieux, prend peu à peu les accents tragiques de Maurice, déployant une ligne vocale plus complexe. Dans ce rôle, le ténor Julien Behr offre la plus belle composition vocale de cette production. Quant au contre-ténor Fabrice di Falco, qui avait travaillé avec Régis Campo sur son précédent opéra, Les Quatre Jumelles, il se voit confier des lignes de chant changeantes, instables, jouant avec sa tessiture et composant de la sorte un personnage imprévisible. Parfaitement tenus par Mireille Delunsch (Monique, la secrétaire qui accompagne Maurice dans sa mortelle expédition), Hendrickje van Kerckhove (la soprano colorature donne sa voix à Claire, la sœur de Charles, ange déchu sacrifié aux trafics du quai ouest) et Marie-Ange Todorovitch (Cécile, la mère de Charles et Claire), les rôles féminins sont taillés plus classiquement.

Jean-Guillaume Lebrun


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